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Entretien exclusif avec Arnaud Fiocret
 
 
 
« J'ai toujours ressenti une forte attirance pour la nature et ses spectacles et je désirais à tout prix me les approprier et les fixer sur un support. » Grand passionné de photographie, mais aussi d'astronomie, Arnaud Fiocret, au cours de cet entretien, nous en dit plus sur ses deux passions « les plus dévorantes » !
 
 
 

Claude Bouchot : Bonjour, Arnaud Fiocret. Tout d'abord, pouvez-vous vous présenter ?

Arnaud Fiocret : Je suis un jeune concepteur industriel, né il y a presque 25 ans, dans une charmante commune du Val-d'Oise (95), pratiquant la photographie ainsi que l'astrophotographie très sérieusement depuis maintenant 10 ans, d'abord sur films argentiques jusqu'en 2004 puis intégralement en numérique depuis 2005 avec un matériel très varié (télescope, lunette fluorite, objectifs à focale variable allant du 18 mm au 300 mm, boîtiers reflex, webcam pilotée par ordinateur...).


C. B. : Quel a été votre premier « déclic » pour la photographie ?

Arnaud Fiocret : Mon véritable déclic pour la photographie à proprement parler est intervenu en 2004, lorsque mon père me présenta un matin une vidéo numérique capturée avec son petit camescope révélant un couple de tourterelles en train de jouer dans le cerisier du jardin familial. Paradoxalement, dans mon esprit, ce n'est pas l'intérêt pour la vidéo qui se réveilla en moi mais le désir absolu de dompter par la photographie un domaine qui m'apparaissait alors totalement « sauvage » et inaccessible, exactement à l'image de la fascination qui m'avait déjà très tôt envahi pour l'astronomie.


C. B. : Votre vocation pour l'astrophotographie ne date donc pas d'aujourd'hui, quel est votre parcours dans cette discipline ? Entre cette dernière passion et la photographie proprement dite, vers où va votre préférence ?

Arnaud Fiocret : Avant d'être astrophotographe, je fus très tôt un fervent observateur en culotte courte de 1992 à 1997. Alors enfant puis adolescent véritablement passionné, je me nourrissais d'images visuelles absolument fabuleuses dès que la météo était bonne et que le soleil se couchait, depuis ma petite chambre située au second étage de la maison familiale avec pour seul vaisseau spatial, une petite lunette de 50 mm d'ouverture qui permettait tout de même d'atteindre les 150X sur la lune, lorsque les conditions de turbulence atmosphérique étaient vraiment correctes.

Ma carrière en imagerie a réellement débuté en 1997 par l'astrophotographie argentique grand angle sur des films couleur 24x36. Alors membre d'un club d'astronomie, ce fut Patrick Sogorb, un amateur de renom, qui m'initia lors du passage de la grande comète Hale-Bopp. La technique était simple et efficace. Elle consistait en l'orientation de mon boîtier reflex (convenablement installé sur un trépied photo) vers une région étoilée de mon choix et s'achevait par l'impression d'une pellicule très sensible (800 ou 1600 ISO/ASA) durant une durée comprise entre 8 et 30 secondes. L'appareil photographique étant fixe, le temps d'exposition était limité à 40 secondes avec un 28 mm, durée à ne pas dépasser au risque d'avoir des étoiles « ovalisées », à moins que je ne désire obtenir délibérément la trajectoire des étoiles sur le film en laissant l'obturateur ouvert durant plusieurs dizaines de minutes !

Entre 2001 et 2004, ma carrière astrophotographique atteignit son apogée avec l'utilisation du télescope et de deux techniques : la pellicule photographique pour les grandes surfaces et la webcam pilotée par ordinateur pour le planétaire et les détails lunaires. Tous les ans, en été, souvent au mois d'août, je m'installais sur ma terrasse et je réalisais l'impression de plusieurs négatifs couleur ainsi que la collecte de plusieurs heures de vidéos au format AVI sur mon ordinateur portable. Si les films argentiques ne recevaient aucun traitement ultérieur de ma part suite à leur développement industriel, il en était tout autrement pour les vidéos AVI qui retenaient toute mon attention durant de longues heures... Généralement, la soirée d'observation se poursuivait les jours suivants ! Que l'astrophotographie est exigeante et consommatrice d'énergie !

Finalement, entre astrophotographie et photographie, je n'ai pas vraiment de nette préférence, disons simplement que ce ne sont pas du tout les mêmes exercices de style. Entre être dehors dans une ambiance silencieuse – souvent glaciale – chaudement habillé dans votre anorak à vous acharner dans le noir à obtenir une image planétaire de qualité contre la turbulence et... vous balader tranquillement dans un jardin fleuri ensoleillé en multipliant les clichés avec votre boîtier favori, ce n'est vraiment pas le même contexte. On peut dire simplement que, question confort, la photographie est à préférer à l'astrophotographie !


C. B. : En octobre 2003, vous avez lancé votre portail internet intitulé Observation et imagerie. Pouvez-vous nous le décrire brièvement ?

Arnaud Fiocret : Mon portail internet est la finalité de mon parcours de passionné, qui consiste à témoigner et à partager électroniquement ma culture ainsi que mon travail de terrain. Chaque photographe – professionnel comme amateur – ayant aujourd'hui son propre site, cela a permis le développement d'une véritable communauté de talents qui dialoguent entre eux... à travers le monde ! Mon site ne s'encombre pas de tout ce qui peut ralentir son chargement sur les navigateurs (java, animations flash...), surtout pour les visiteurs encore limités aux petits transferts. Il est intégralement constitué du plus simple squelette en HTML. Beaucoup de personnes m'ont tendu la main pour m'aider quand il a fallu l'améliorer à de nombreuses reprises car lorsque vous débutez avec un moyen de communication que vous ne maîtrisez pas, vous faites des erreurs, c'est inévitable ! Il abrite plus de 300 images personnelles réunies en deux galeries ainsi que de nombreux exposés techniques sur l'astrophotographie et la photographie pour tous les niveaux, du novice à l'amateur éclairé à la recherche d'une information oubliée.


C. B. : L'architecture religieuse semble être l'un de vos thèmes favoris. Or, malgré les difficultés rencontrées habituellement lors de la prise de vue de ces édifices imposants par leur longueur et hauteur... et souvent mal éclairés, vos œuvres témoignent pourtant d'une maîtrise technique impressionnante ! Comment travaillez-vous ? Avec quel matériel ?

Arnaud Fiocret : L'architecture religieuse est mon thème favori car « il me parle » tout simplement. C'est un thème qui répond aussi à mon humble philosophie que je me fais de la vie : Nous sommes une infime poussière à la surface de la terre. Un coup de vent et vous n'existez plus ! Comme vous l'indiquez, ces édifices imposants sont souvent très sombres et éclairés d'une façon très hétérogène. Or, vous allez peut-être être surpris, mais ma technique est fort simple puisque c'est exactement la même que celle pratiquée en 1997 pour le ciel étoilé, c'est-à-dire la longue pose avec un simple trépied que je transporte presque toujours avec moi.

Le numérique a beaucoup simplifié les choses puisque depuis 2005, je réalise mes photographies avec un boîtier reflex numérique Nikon délivrant de superbes images de 6,2 millions de pixels et un bruit presque inexistant même à la plus forte sensibilité de 1600 ISO. Je travaille toujours en mode RAW (négatif numérique) car ce type de format permet de conserver les données brutes issues du capteur. Cela est fondamental pour permettre un traitement ultérieur optimal des images. Lorsque je suis sur le terrain, je réalise mes prises de vues d'intérieur toujours en manuel avec le retardateur électronique. Je possède alors une totale liberté en termes d'ouverture et de temps d'exposition, ce qui me donne carte blanche pour la créativité. Toujours se méfier des automatismes que je n'utilise que pour me donner une idée indicative des réglages moyens à utiliser. La pratique m'a montré qu'en s'écartant des automatismes, on arrive parfois à des résultats autrement plus intéressants.


C. B. : En prélude à votre site, vous écrivez que « l'astronomie mais également la photographie ont inspiré le génie spirituel de l'homme » et que finalement, vous avez « peu à peu atteint, non sans difficultés, un objectif qui allie la pensée à la technique », une visée impliquant notamment une « finesse de perception dans la manière d'appréhender » vos sujets « qu'ils soient l'œuvre de l'homme ou l'œuvre d'un esprit supérieur » ! La dimension spirituelle est-elle importante dans la pratique de votre loisir favori ? Que cherchez vous à exprimer à travers vos photos ?

Arnaud Fiocret : La dimension spirituelle est effectivement importante dans ma pratique de l'imagerie car un photographe n'est pas là seulement pour faire de belles images mais également pour communiquer un regard tout à fait personnel sur les endroits, les choses, les humains... D'ailleurs, vous remarquerez qu'il n'y a pas de photographies d'humains dans mes galeries, mais par contre, les photographies d'intérieurs religieux ne manquent pas. C'est le reflet implicite de ma personnalité et de mon regard. Je suis un intellectuel qui se sent plus à l'aise dans un lieu calme propice à l'inspiration plutôt que dans une foule bruyante dans laquelle je me sentirai inévitablement écrasé ! Ce que je cherche à exprimer dans mes photos, c'est qu'il existe un univers autour de nous, absolument merveilleux qui nous a été offert et qui nous dépasse...


C. B. : Justement, à propos d'univers, à la même page de votre site, vous écrivez également que « implicitement, l'astronomie, la photographie et la nature sont des livres grands ouverts, tournés vers l'immensité d'un univers encore très mal connu, qui nous pousse immédiatement à l'humilité » ! Cette dernière vertu qui semble être toujours au centre de vos activités de photographe constitue-t-elle un autre message que vous voulez délivrer à vos lecteurs ?

Arnaud Fiocret : Oui, comme je le disais, nous vivons dans un univers vraiment incroyable ! Savez-vous par exemple qu'il suffirait d'une modification insignifiante de la valeur d'un paramètre de l'équation illustrant le cycle de vie des étoiles pour que, instantanément, il n'y ait plus de terre ni d'univers ? Il a été en effet prouvé par les astronomes scientifiques que si l'on pouvait augmenter ou abaisser d'un niveau infime l'un des paramètres régissant l'équilibre de l'univers, soit les étoiles n'arriveraient pas à se développer et à produire l'énergie nécessaire à leur rayonnement (vital pour les éventuelles planètes gravitant autour), soit au contraire celles-ci se formeraient tellement vite – auraient une durée de vie si faible – que la pérennité de l'univers et le développement de toute vie microbienne ne seraient pas possibles car leur cycle de vie serait arrêté par leur propre explosion avant même que leur développement n'ait commencé ! Pour qu'un tel équilibre existe, je ne crois pas au hasard. Quand on philosophe là-dessus, on vit forcément différemment... et on vit forcément humblement !

Tous les jours, on découvre des nouveautés sur l'univers et il n'a pas fini de nous surprendre ! Alors oui, un message : Chers artistes, soyez et restez humbles car vous n'êtes pas « l'esprit supérieur » qui nous a mis entre les mains cette merveilleuse machine que vous photographiez avec tant de passion et que vous serez toujours plus habiles à dérégler qu'à améliorer dans son apparente (im)perfection...


C. B. : Comment vos photos sont-elles perçues ?

Arnaud Fiocret : Si on analyse mon livre d'or et les forums où j'ai participé à des débats, la perception de mes photos est très contrastée... comme c'est le cas, finalement, pour beaucoup d'artistes ! En fonction des regards, votre façon de penser ou de photographier est appréciée ou critiquée. Il y a les visiteurs qui approuvent ma philosophie et alors presque automatiquement ma production photographique. Il y a aussi ceux qui n'approuvent pas ma philosophie, mais qui portent un regard constructif sur mes œuvres. Et enfin, il y a les autres qui passent comme des courants d'air sur mon site et dont je n'ai jamais aucune idée de leur impression. Mais globalement, mes photos sont très bien perçues et je suis content de l'accueil parfois très chaleureux réservé par mes lecteurs.


C. B. : Retouchez-vous vos images avant de les éditer ?

Arnaud Fiocret : Une image ne reste jamais brute et subit toujours des traitements ultérieurs, si ce n'est celui du développement numérique qui consiste à décoder une image RAW vers un format courant comme le TIFF ou le JPEG. Mais dans mon cas, il y a d'autres étapes intermédiaires incontournables avant l'édition finale pour le web qui appartiennent au domaine de mes recettes personnelles bien rôdées.


C. B. : En dehors de l'astronomie et de la photographie, avez-vous d'autres passions ?

Arnaud Fiocret : L'astronomie et la photographie sont mes deux passions les plus dévorantes. Mais pour que ma personnalité soit complète, il s'en ajoutent trois supplémentaires, celles de la musique, du cinéma et de la littérature ! A travers votre choix de musiques, d'œuvres cinématographiques et de littérature, on vous décode encore davantage... Aussi, vous me découvrirez encore un peu plus si je vous dis que je suis un grand admirateur des musiques de Vangelis (qui ressemblent souvent à des processions électroniques enivrantes), que je suis un grand fan des 6 épisodes de science fiction de Star Wars (Guerre des étoiles) mais également un homme engagé dans la lecture d'ouvrages traitant de nos problèmes de société...


C. B. : Vos occupations multiples et variées font de vous un homme complet... avec sûrement des projets en cours ?

Arnaud Fiocret : Ils ne manquent pas. Je trouve toujours quelque chose à faire, même en dehors de l'imagerie. Actuellement, je fais mes premiers pas en vidéo en réalisant mes propres films d'amateur sur DVD. Un domaine complémentaire à la photographie qui possède sa propre logique.


C. B. : Et photographiquement ?

Arnaud Fiocret : J'attends l'inspiration... et vous aurez bientôt de mes nouvelles !


Claude Bouchot : Merci, Arnaud Fiocret, de cet entretien.

Arnaud Fiocret : C'est moi qui vous remercie.

10 avril 2007
 
 
Copyright © Claude Bouchot