Plan du site Dans les années 50 Aujourd'hui Pages diverses La vie champêtreAvant-propos A l'école Au fond des bois En plein champ A la ferme Au jardin Entre rue et maison A la vigne Dans la cuisine Conclusion A l'école de la ferme Le battage était une opération qui exigeait également beaucoup d’acteurs et qui se déroulait dans le décor rustique d’une grange. D’emblée, les yeux du spectateur se portaient sur l’énorme machine à battre qui recevait, au moyen d’une longue courroie, l’énergie d’un puissant moteur électrique.
A côté et en haut du tas de céréales fraîchement récoltées, effleurant presque la charpente de bois, les cheveux gris de poussière et enlacés de soie d’araignée, deux ou trois aides dont un jeune apprenti formaient une chaîne pour acheminer les gerbes, une par une, jusqu’à la plate-forme supérieure de la batteuse. Gerbes aussitôt reprises par l’acteur principal qui jouait successivement les rôles de délieur, démêleur et engreneur. Autrement dit, ce dernier sectionnait la ficelle des gerbes et éparpillait les céréales pour les introduire finalement sous forme de gerbillons dans le tambour de battage.
Photo Jacques BouchotAu milieu d’un halo de poussière, la bête ainsi gavée, vrombissait à chaque engrènement en excrétant vers l’arrière balle et paille, et sur le côté le grain qui coulait lentement dans un sac de jute. Le bottelage de la paille et le conditionnement du grain était du ressort de trois autres acteurs que le spectateur pouvait voir en train de s’affairer au pied de la batteuse.
Le spectacle se terminait habituellement vers 17 heures, l’heure du goûter, une tradition sacrée en Lorraine. Mais la journée agricole n’était pas encore terminée, une dizaine de vaches laitières attendaient patiemment la traite du soir !
Photo Michel BouchotA l’école de la ferme, l’intérêt que je portais aux productions végétales ne diminuait en rien mon attirance précoce pour les productions animales. Aussi, après le goûter, je ne rechignais pas trop à la tâche lorsque mon cousin me proposait d’aller chercher ses vaches au pré. Sur la route étroite de Manoncourt, derrière les animaux, j’avais l’air de maîtriser le troupeau avec ma baguette de... noisetier ! En fait, les braves bêtes, connaissant parfaitement bien leur chemin pour rentrer à l’étable, n’avaient pas besoin de moi. Quelquefois une voiture venait perturber leur démarche mais celles-ci, impassibles (contrairement au conducteur craignant pour sa carrosserie), se serraient sur le bas-côté de la route en frôlant de leur abdomen proéminent le véhicule mais, ce que je trouvais extraordinaire, sans jamais le toucher. Ce furent là mes premières observations de comportement animal !
Ma passion récurrente pour le noisetier cessa définitivement en 1959 où, suite à quelques cas de fièvre aphteuse dans la commune, l’appariteur, après le traditionnel coup de tambour, annonça à tous les habitants du village que le déplacement des bovins était désormais interdit sur les routes. Les animaux restèrent donc au parc toute la belle saison, la traite mécanique se faisant sur place à l’aide d’une trayeuse mue par un moteur à essence. Enfin, toujours à propos de lait, souvenir encore que le ramassage quotidien des bidons par le camion jaune de la laiterie Marizien de Ménil-la-Tour.
Petite « salle de traite de 2 unités » désaffectée datant de la fin des années 50 (Photo Michel Bouchot)Dans le paysage rural d’aujourd’hui – permettez-moi cette petite digression –, les exigences de l’agriculture moderne ont pratiquement effacé les traces de ces pratiques ancestrales. Comme pour beaucoup de communes rurales des autres régions, la polyculture et le polyélevage qui prédominaient dans les années 50 ont laissé la place – surtout à partir des années 70 – à des systèmes de productions spécialisées soutenues par la politique des prix agricoles : céréales, lait et viande bovine.
Ainsi, de nombreuses productions (non soutenues) ont été progressivement abandonnées : élevage de chevaux de trait, productions porcine et avicole, arboriculture fruitière, viti-viniculture... Dans le même temps, la mécanisation et les nouvelles techniques ont réduit les tâches ingrates et surtout permis aux agriculteurs de Royaumeix et de tous les villages de France, de développer leur exploitation et d’accroître la productivité de leur travail.
Mais, on sait que cette mutation encouragée par la politique agricole ne s’est pas faite, malheureusement, sans difficultés et s’est accompagnée d’évolutions regrettables : surproductions, baisse des prix agricoles, réduction du nombre des exploitations, accroissement des inégalités entre exploitations et régions, atteintes à l’environnement (1).
A travers cet aperçu, pourtant bien superficiel, de l'évolution de l'agriculture de l'après guerre, on a des raisons d’être un peu triste en constatant les répercussions sociales et environnementales... et surtout lorsqu’on se souvient des espoirs suscités par la modernisation !
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1. Citons-en seulement deux : la pollution des nappes phréatiques par les engrais et les pesticides, l’uniformisation du paysage. A propos de cette dernière atteinte, Royaumeix, qui a connu comme la plupart des autres communes rurales, plusieurs remembrements, n’a pas été épargné. De surcroît, la laideur des stabulations (autre attribut de l’agriculture moderne) en périphérie du village ne peut contribuer évidemment à relever cette uniformisation actuelle du décor champêtre ! © Claude Bouchot