Traitement des films noir et blanc d'usage courant |
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Détermination du temps de développement |
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Des trois étapes suivantes : prise de vue (notamment la détermination de la lumination), traitement du film et tirage, se succédant dans le processus photographique noir et blanc, les deux premières sont de loin les plus déterminantes dans la qualité de l'épreuve finale et ce sont elles qui devraient solliciter le plus de réflexion en photographie. En effet, toute erreur importante dans l'exposition ou le traitement d'un film est irréversible (1) et il est difficile et souvent impossible d'obtenir de bonnes épreuves à partir d'un mauvais négatif. Par contre, le tirage (d'un bon cliché) ne présente aucune difficulté et toute faute à ce niveau est facilement rattrapable. Arrêtons-nous à la deuxième étape – aussi décisive donc que la détermination de la lumination à la prise de vue, étudiée par ailleurs – et considérons les principales phases du traitement d'un film : développement, fixage, lavage et séchage, la plus importante étant la première. C'est pour cela que dans le langage courant, à la place de l'expression « traitement d'un film », on préfère souvent utiliser – mais à tort – le terme « développement ». Rappelons qu'un film qui subirait uniquement la phase de développement ne serait pas stable à la lumière ! Puisque c'est l'objet de cette étude, limitons-nous à cette première phase – capitale – du traitement d'un film qu'est donc le développement en prenant pour hypothèse un film exposé exactement. Il est bon de préciser aussi que le temps de développement débute au moment où le film est plongé dans la solution de révélateur et qu'il se termine dès que le film développé est immergé dans le bain d'arrêt. Pierre Glafkidès (2) recommande une durée d'immersion de 10 secondes dans le bain d'arrêt dont la composition est la suivante : 1000 ml d'eau + 40 ml d'acide acétique. Notons également que l'utilisation d'une seule cuve pour l'ensemble du traitement d'un film ne permet pas d'atteindre une très grande précision dans la mesure du temps de développement du fait des opérations de transvasement. Aussi, est-il conseillé d'utiliser au moins une deuxième cuve contenant le bain d'arrêt prêt à recevoir le film développé. A lui seul le développement est responsable de la qualité – particulièrement du contraste – de l'image argentique qu'il dévoile, le fixage (après le bain d'arrêt) n'ayant pour but que de fixer cette image. Il est donc normal que l'on attache tant d'importance aux conditions de développement qui, dans la pratique courante, peuvent varier considérablement. Bref, le traitement d'un film cesse d'être synonyme d'aventure dès que l'on comprend que le temps de développement doit évoluer en fonction des conditions de développement. Quels sont donc ces facteurs influençant la durée de développement ? La plupart sont bien dominés par les photographes mais certains, hélas, peuvent être sous-estimés. Dans cette énumération (figure 1), nous supposerons la variation d'un seul facteur à la fois. |
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La marque du film Des essais comparatifs peuvent le démontrer. Ainsi par exemple, avec le révélateur Acutol FX 14 (Paterson), les durées de développement conseillées (3) pour les films Verichrome Pan 120 Kodak (ISO 125) et FP 4 Ilford (ISO 125) sont respectivement de 12 mn et 7 mn.
Prenons deux films de même marque (Kodak), de même sensibilité (ISO 125) mais de type différent : le Verichrome Pan et le Plus X Pan, développés dans le révélateur D 76 (Kodak). Nous trouvons (4) les temps de développement suivants : 7 mn pour le premier et 5 mn et demie pour le second.
Comme pour le film, si nous changeons de marque de révélateur, l'influence sur le temps de développement est certaine. Il en est de même pour le type de révélateur à l'intérieur d'une marque donnée.
Plus celle-ci est élevée, plus le développement est accéléré. La température idéale est 20° mais on obtient tout de même de bons résultats dans l'intervalle compris entre 18 et 24° C. Si la température de 20° ne peut pas être respectée, la durée de développement doit être modifiée suivant les indications d'une courbe temps / température correspondant à la combinaison film / révélateur utilisée.
Elle offre de nombreux avantages mais entraîne une prolongation de la durée de développement. Par exemple, pour le développement du film Pan F dans le révélateur ID 11 (Ilford), les temps recommandés (4) sont les suivants : conditions standard = 6 mn, dilution 1 + 1 = 9 mn, dilution 1 + 3 = 14 mn.
Au fur et à mesure du développement, si on ne régénère pas périodiquement, les développeurs perdent progressivement de leur activité ce qui entraîne une diminution du contraste des négatifs. En outre, le révélateur se chargeant de bromure développe plus lentement. Pour compenser cet épuisement, il faut donc augmenter le temps de développement en fonction de la surface de film déjà développée par la solution de révélateur. Les fournisseurs donnent dans leurs fiches techniques les informations nécessaires pour l'utilisation des révélateurs sans régénération. En règle générale, les émulsions à grain fin – peu sensibles – se développent plus rapidement que les émulsions à gros grains, très sensibles. Ainsi, nous pouvons le constater dans l'exemple ci-dessous où sont données les durées de développement pour trois sensibilités différentes. |
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L'agitation Souvent sous-estimée, l'agitation influe considérablement sur le temps de développement. En effet, le fait d'agiter le négatif diminue significativement la durée de développement. Cette dernière est aussi dépendante de la méthode d'agitation qui, pour un même matériel de développement, peut varier beaucoup. Avec une cuve amateur à spirale, on a ainsi le choix entre l'entraînement du négatif ou la circulation du bain de développement (méthode de renversement), entre une agitation légère ou vigoureuse et enfin, entre une agitation continue et intermittente. Pour maintenir constantes les caractéristiques de l'image, l'opérateur doit donc contrôler le plus attentivement possible cette variable très difficile à maîtriser.
Selon que l'on utilise une cuvette, une cuve amateur ou une cuve profonde, la quantité de révélateur est très différente. Dans une cuve amateur, les produits usés sont facilement dispersés au sein de la solution ce qui n'est pas le cas dans une cuve profonde ou un grand volume de révélateur reste stagnant. C'est la raison pour laquelle les temps de développement recommandés en cuve profonde sont souvent un peu plus longs. Cette affirmation se démontre notamment avec le révélateur Refinal (Agfa) et le film Agfapan 25 de la même marque où on observe une durée de développement de 3 à 5 mn en cuve à spirale et de 4 à 6 mn en cuve profonde pour le même type d'agitation (continue durant la première minute puis quelques secondes toutes les demi-minutes).
Elément fondamental en photographie, le coefficient de contraste de développement (CCD) a dans la détermination du temps de développement, une influence majeure. La valeur de CCD choisie par le photographe dépend du contraste de négatif souhaité – autrement dit de la gradation de papier utilisée de préférence par le tireur – mais aussi du contraste de l'image optique du sujet qui peut être extrême pour certaines prises de vue. Plus précisément, le CCD est égal au contraste du négatif / contraste de l'image optique du sujet. Or, on sait que la durée de développement du film a une action directe sur le CCD. Plus le développement est poussé, plus la valeur de CCD est élevée et plus le contraste du cliché tend vers un maximum. En fait, le CCD s'avère être un des paramètres les plus importants du temps de développement. En choisissant judicieusement sa valeur – ce qui revient à retenir sur une courbe CCD / temps, le temps de développement donnant le CCD souhaité (figure 2) –, ce sont déjà réellement les conditions de tirage du négatif qui sont anticipées. Pour un sujet normalement contrasté, un CCD moyen (0,55 à 0,65) donnera un négatif de contraste moyen nécessitant au tirage une gradation normale de papier photographique. En résumé, le choix du CCD – qui équivaut donc en pratique à un choix de durée de développement – se fait d'une part, en fonction du contraste de négatif souhaité et d'autre part, en tenant compte du contraste du sujet. Par exemple, pour un sujet à grand contraste, afin de conserver les conditions optima de tirage, il faut s'orienter vers une valeur de CCD plus faible, ce qui signifie donc développer moins longtemps et inversement pour un sujet à faible contraste. |
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Après avoir analysé succinctement tous les facteurs influençant le temps de développement, la détermination exacte de ce dernier peut paraître à priori compliquée, mais avec l'expérience acquise, on arrive vite à stabiliser bon nombre de paramètres. Aussi, essayons désormais de ne plus considérer le traitement d'un film noir et blanc comme une étape secondaire – même si celle-ci n'aboutit qu'à une image négative intermédiaire dont la qualité se juge plus difficilement qu'une épreuve – mais comme un temps capital et décisif du processus photographique. Les conditions de développement que nous venons d'énumérer doivent être considérées attentivement. Toutes, en influençant – plus ou moins – la durée de développement, détiennent une part de la réussite au labo-photo. En d'autres termes, seuls des négatifs correctement exposés et développés « scientifiquement » peuvent conduire à des positifs de bonne qualité technique. Une affirmation ne laissant que très peu de place au hasard ! Au fait, Hurter et Driffield (les deux fondateurs de la sensitométrie) ne s'exprimaient guère autrement le 7 mai 1890 en introduisant leur remarquable exposé devant la Society of Chemical Industry : « L’obtention d’une image parfaite par le moyen de la photographie est un art. L’obtention d’un négatif techniquement parfait est une science (5). » |
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__________ 1. Les opérations chimiques destinées à corriger un négatif ayant été mal exposé ou mal développé sont rarement pratiquées. Elles ne peuvent être tentées que sur un négatif de grand format et le résultat en général est relativement médiocre par rapport à la qualité que l'on peut espérer d'un film bien exposé et bien développé. 2. Pierre Glafkidès, Chimie et physique photographiques, 4e éd., Paris : Publications Photo-Cinéma Paul Montel, 1976. 3. Publi-étude de Phot'Argus, n° 73, 1976. 4. Temps de base ajustés au 1-10-76 par Ilford. 5. F. Hurter, V.C. Driffield, « Photo-chemical investigations and a new method of determination of the sensitiveness of photographic plates », The Journal of the Society of Chemical Industry, N° 5, Vol. IX, 31 mai 1890, p. 455-469. |
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