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Le tirage par agrandissement
 
La gradation du papier
 
 

Définition

La latitude d'exposition définit l'intervalle des luminations que le papier photographique est capable d'enregistrer dans la portion utile de sa courbe (figure 1). La latitude d'exposition est aussi appelée étendue utile et plus couramment gradation utile ou simplement gradation. La gradation du papier s'exprime en valeurs logarithmiques et se mesure sur l'axe horizontal du graphique de la courbe caractéristique.

 
 
Figure 1 : Courbe caractéristique d'une émulsion positive. Comparativement à l'émulsion négative, la pente de la corde joignant les deux points délimitant la portion utile est très prononcée. La gradation utile du papier est directement liée au choix de ces deux points limites. Remarquons aussi que la densité minimum = 0. Habituellement, en effet, avant de mesurer les densités d'une épreuve, on détermine le zéro sur un échantillon de papier non exposé mais traité. La marge de l'épreuve, par exemple, peut constituer cette surface blanche de référence. Contrairement à la courbe d'une émulsion négative, celle de l'émulsion positive n'exprime donc pas ordinairement la densité réelle du support + voile.
 
 

La gradation, première caractéristique du papier

Dans la pratique du tirage, on reconnaît habituellement la gradation comme l'une des premières caractéristiques du papier photographique. Elle définit donc l'intervalle entre la lumination qui induit la densité maximum utile et celle à l'opposé, donnant la densité minimum utile, léger gris à peine distinct du blanc de l'épreuve. Par exemple – pour une marque donnée –, une gradation normale peut correspondre à un intervalle de 10 à 1 soit 1,0 en valeur logarithmique.

Ainsi, sur la courbe caractéristique du papier, les deux points – l'un situé dans le pied, l'autre dans l'épaule de la courbe – illustrant les deux densités utiles extrêmes, délimitent la portion utile (figure 1). Le principal problème rencontré lors d'une détermination précise de gradation provient du fait d'un manque de normalisation internationale de ces deux densités utiles extrêmes. Par conséquent, pour une même émulsion positive, la valeur de gradation peut varier sensiblement suivant la méthode de détermination. A titre d'exemple, citons simplement celle qui consiste à donner aux points limites inférieur et supérieur, des valeurs égales respectivement au 1/10 et 9/10 de la densité maximum.

Etant donné la diversité des sujets photographiques et l'aspect subjectif du jugement de la qualité d'une épreuve, la liberté de choix des points délimitant la portion utile reste totale ce qui signifie que la présence de détails dans les hautes lumières et les ombres de l'épreuve est – selon la valeur donnée à ces points – plus ou moins significative. La connaissance de la méthode de détermination de la gradation est une donnée de travail appréciable puisqu'elle nous renseigne sur le niveau des tons extrêmes de l'épreuve. Elle précise ainsi les valeurs de gradations inscrites dans les fiches techniques.

Mais, le photographe ne doit pas pour autant sous-estimer la restitution de la gamme des tons compris entre les deux extrêmes, c'est-à-dire la majorité des tons de l'épreuve. Pour cela, en complément de la gradation, une information suffisante sur la forme de la portion utile de la courbe paraît indispensable. Effectivement, pour une même gradation, le tracé de la portion utile de la courbe peut différer légèrement d'une marque de papier à l'autre. Les régions curvilignes peuvent être plus ou moins étendues et la pente de la région rectiligne sensiblement différente, ce qui indique un adoucissement ou une accentuation de la séparation des tons moyens de l'épreuve. Il serait ainsi également intéressant de connaître le CCD relatif à la seule région rectiligne (autrement dit, le gamma du papier). Ce dernier est évidemment plus élevé que le CCD définissant la pente moyenne de l'ensemble de la portion utile et auquel on se réfère ordinairement.

Afin d'obtenir une séparation de tons avantageuse dans la reproduction de l'image du sujet ou d'une partie de celle-ci et toujours pour une gradation donnée, notons que certains spécialistes du tirage – par un choix approprié de la marque du papier – cherchent à exploiter au mieux les différences subtiles de la forme de la portion utile. Mais ce genre de recherche ne paraît possible qu'en supprimant le maximum de variables au tirage. La première de celles-ci est la gradation, nous y reviendrons par ailleurs.

 

Détermination approximative de la gradation

Lorsque l'on ne possède aucune information sur la gradation utile d'un papier, on peut la déterminer approximativement à l'aide d'une gamme de gris transparente. Les sensitogrammes observés à la figure 2 ont été réalisés suivant cette méthode que nous décrivons succinctement :

 
– Papier choisi :
Ilfospeed brillant (Ilford).
– Gamme utilisée :
Kodak stop tablet N° 2. Cette gamme se compose de 21 plages (seules les plages médianes ont été retenues dans l'illustration ci-dessous), la densité progressant de 0,15 d'une plage à l'autre. Plus cette progression est faible, plus le calcul de la gradation est précis.
– Exposition :
Sous l'éclairage de l'agrandisseur, la gamme en compression sur l'échantillon de papier.
– Traitement du papier :
Normal.
– Lecture du sensitogramme :
On identifie facilement D min. et D max., les plages correspondant respectivement au blanc pur et au noir le plus intense du sensitogramme. Ensuite, consécutivement à D min. et D max., on différencie les plages des hautes lumières et des ombres. Il suffit enfin de compter le nombre de séparations entre ces deux dernières plages et de le multiplier par la progression de la gamme pour trouver la gradation utile du papier en valeur logarithmique (figures 2 et 3).
 
La gradation utile de certains papiers n'est pas toujours précisée dans la fiche technique du fabricant. Aussi, cette méthode simple permet-elle de la déterminer approximativement.
 
         
N° de gradation
0
1
2
3
A
10 x 0,15
= 1,50
9 x 0,15
= 1,35
8 x 0,15
= 1,20
7 x 0,15
= 1,05
B
1,60
1,40
1,20
1,00
 
Figure 2 : Cet assemblage de sensitogrammes représente 4 gradations consécutives de la gamme de papier Ilfospeed brillant (Ilford). On détermine approximativement les gradations utiles suivant la méthode décrite (ligne A). Celles-ci sont ensuite comparées aux valeurs relevées dans la documentation technique du fabricant (ligne B).
 
 
 
Figure 3 : Pour déterminer approximativement la gradation utile d'un papier, il suffit de multiplier le nombre de séparations observées entre les plages des densités utiles extrêmes par la progression de la gamme. Dans cet exemple, la gradation utile du papier est égale à 8 x 0,15 = 1,20
 

Attention, il ne faut pas confondre la valeur de la gradation utile (expression logarithmique) avec le numéro arbitraire (quelquefois appelé grade) qualifiant commercialement les différentes gradations et évoluant en sens inverse de la valeur logarithmique. Ajoutons que sur les emballages des papiers photographiques, parallèlement à ce numéro, on trouve une appellation servant aussi à identifier la gradation. Numéro et appellation, nous allons le voir, sont propres à la marque et ne présentent aucun intérêt pour le photographe utilisant couramment plusieurs marques de papier. Habituellement, celui-ci se réfère plutôt à la gradation utile proprement dite, seul élément sérieux de comparaison d'une marque à l'autre qui, paradoxalement, ne figure pas sur les boites ou pochettes de papier mais seulement dans les fiches techniques du fabricant.

 

Gradations et marques de papier

Suivant la nature de l'émulsion (bromure, chlorobromure ou chlorure d'argent), le support et la qualité de surface du papier, les fabricants proposent (dans la décennie 70) généralement 2 à 6 gradations (1). Du tableau 1 qui met en évidence la gamme des gradations de 4 papiers bromure de marques différentes, retenons les enseignements suivants :

– Les valeurs de gradation utile se distribuent entre les limites 0,35 (gradation la plus dure) et 1,70 (la plus douce), la gradation normale se situant souvent autour de 1,00.
– L'intervalle entre deux valeurs de gradation consécutives est d'environ 0,20.
– Si l'on considère toute la gamme de gradations, les valeurs extrêmes et internes varient considérablement d'une marque à l'autre. Rappelons que les valeurs de gradation ne sont pas toujours déterminées selon la même méthode mais demeurent tout de même comparables.
– L'appellation « dur » correspond toujours à une faible valeur de gradation et inversement pour l'appellation « doux ».
– Certaines appellations sont spécifiques à la marque.
– Pour une même appellation, le tableau 1 nous montre une grande dispersion des valeurs de gradation utile.
– Plus le numéro de gradation est élevé, plus le papier est « dur », ce numéro partant de 0 ou de 1.
 
Notons que les qualificatifs, « doux », « normal » et « dur » servant à désigner les gradations s'appliquent plus en fait à la séparation de tons de l'épreuve. Pour une image d'un même négatif, c'est cette séparation de tons qui paraît, douce, normale ou vigoureuse suivant la gradation employée.
 
Brovira
Speed 310
(Agfa)
Extra-doux
Doux
Spécial
Normal
Dur
Extra-dur
0
1,70
1
1,45
2
1,20
3
0,95
4
0,70
5
0,50
Guilbrom
brillant
(Guilleminot)
Extra-doux
Doux
Normal
Dur
Extra-dur
Ultra-dur
0
1,50
1
1,30
2
1,05
3
0,85
4
0,60
5
0,45
Ilfospeed
brillant
(Ilford)
Extra-doux
Doux
Normal
Dur
Extra-dur
Ultra-dur
0
1,60
1
1,40
2
1,20
3
1,00
4
0,80
5
0,60
Kodabrom II
RC brillant
(Kodak)
Doux
Normal
Contraste
Extra-contraste
Ultra-contraste
1
1,15
2
0,85
3
0,70
4
0,50
5
0,35
 

Tableau 1 : Gamme des gradations de 4 papiers bromure de marques différentes. Nous lisons de haut en bas, l'appellation, le numéro et la gradation utile pour chacun des papiers.

 

Gradation et contraste de l'épreuve

A la figure 4 où est représentée une gamme de 6 gradations (papier brillant), nous observons tout d'abord un point intéressant : la densité maximum ne varie pas significativement d'une gradation à l'autre. Nous pouvons en dire autant pour le contraste et ceci répond au désir de l'observateur moyen, un nivellement du contraste du positif quelque soit le contraste du sujet. Nous distinguons en outre que la pente moyenne (CCD) d'une courbe caractéristique est inversement proportionnelle à la gradation.

Comme nous l'avons fait au niveau du négatif, dénonçons ici l'emploi par certains auteurs du terme « contraste » pour signifier la pente de la courbe caractéristique du papier et quelquefois par ailleurs, la substitution ou juxtaposition de « contraste » à « gradation » ce qui démontre à nouveau l'obscurité de la notion de contraste en photographie. Rappelons que le contraste de l'épreuve est égal à D ombres - D hautes lumières.

 
 
Figure 4 : Faisceau de courbes caractéristiques illustrant une gamme de 6 gradations de papier photographique.
 
 

Qualité de surface et contraste de l'épreuve

Désormais, considérons une seule et même émulsion couchée sur trois surfaces différentes : brillante, semi-mate et mate. Bien qu'il s'agisse physiquement de la même émulsion, la densité maximum n'est pas identique pour les trois surfaces (figure 5). Mais nous savons que la mesure des densités d'un papier s'opère en lumière réfléchie et que le phénomène de réflexion dépend énormément de la qualité de surface. Aussi, pour les deux paramètres, CCD et densité maximum, pouvons-nous expliquer les différences apparentes existant entre ces trois qualités de surface courantes.

Du point de vue pratique, un papier mat présente toujours – si on le compare à un papier brillant – une densité maximum et un contraste inférieurs, ce qui veut dire aussi beaucoup moins de tons différenciés. Par contre, celui-ci se prête mieux à la repique et à la retouche. Lorsqu'on désire reproduire un maximum de petits détails, il convient donc de choisir une surface brillante.

En résumé, le choix de la qualité de surface est surtout fonction de la catégorie de travail effectué (photographie industrielle, publicitaire, documentaire, artistique...) mais aussi du goût personnel de l'opérateur.

 
 
Figure 5 : Pour une même gradation, une surface mate présente toujours – si on la compare à une surface brillante – une densité maximum et un contraste inférieurs.
 
 

Gradation et sensibilité du papier

Il existe plusieurs méthodes pour mesurer la sensibilité absolue des papiers photographiques, mais aucune ne s'est imposée sur le plan international. Retenons simplement que pour déterminer la sensibilité d'un papier, on considère la lumination nécessaire pour obtenir une densité moyenne (0,6 - 0,8 ou 1,0 selon la méthode) alors que pour un film, il s'agit de calculer la lumination correspondant à un point du pied de la courbe caractéristique, légèrement supérieur à la densité minimum.

Par analogie aux films, on pourrait imaginer pour les papiers noir et blanc un indice de sensibilité absolue reconnu par tous et enregistrable sur les différents posemètres d'agrandissement. En fait, la détermination de l'exposition au tirage exige plus de précision qu'à la prise de vue. Aussi, préfère-t-on ordinairement déterminer l'exposition exacte du papier au moyen de plusieurs essais d'exposition, cette méthode élémentaire et très précise ayant l'avantage simultanément de confirmer ou de préciser le choix de la gradation.

Si aucun indice de sensibilité ne figure sur les emballages des papiers photographiques, il est possible en contrepartie de trouver dans les fiches techniques des fabricants, les sensibilités relatives (2) des diverses gradations. Généralement, les temps relatifs d'exposition évoluent en sens inverse de la gradation (figure 6). La connaissance de ces données est précieuse pour les tireurs qui changent souvent de gradation. Mais heureusement, au cours des années, la plupart des fabricants de papier ont réussi à éliminer les différences de sensibilité entre gradations. Seules les gradations « dures » échappent à cet alignement. Etant destinées aux négatifs sous-exposés ou sous-développés, donc peu denses, leur sensibilité demeure volontairement plus faible.

Sachons enfin que la sensibilité du papier dépend aussi de la nature de l'émulsion. Les émulsions à base de chlorobromure d'argent (donnant des tons noir brun) sont un peu moins sensibles que les émulsions à base de bromure d'argent (noir neutre).

 
 
Papier « dur »
(faible valeur de gradation)
Papier « normal »
(valeur de gradation moyenne)
Papier « doux »
(grande valeur de gradation)
 
Figure 6 : Ces trois tirages d'un même cliché ont été réalisés avec différentes gradations de papier (sensibilités non alignées). Dans tous les cas, la lumination fut la même (7 s - f/8). Pour ce papier, les différences de sensibilité entre gradations sont visuellement très nettes.
 
 

Relation : contraste de l'image du négatif / gradation du papier

Elle constitue la charnière entre le négatif et le positif, celle-ci ne tolérant qu'un minimum de jeu. Nous avons déjà eu l'occasion de le souligner, contraste de l'image du négatif et gradation du papier doivent en effet se caractériser l'un et l'autre par une même valeur. Si les effets de flare et Callier s'annulent au tirage (tirage-contact ou tirage par projection en éclairage semi-dirigé), la règle suivante se vérifie : contraste du négatif = contraste de l'image du négatif = gradation du papier (exemple : 1,30 - 1,30 - 1,30). Mais par contre, si l'effet de flare devient prépondérant au tirage, la valeur de gradation du papier doit alors être sensiblement moins élevée que celle du contraste du négatif (exemple : 1,30 - 1,00 - 1,00).

En règle générale, un négatif fortement contrasté se tire sur un papier « doux », un négatif normalement contrasté, sur un papier « normal » et un négatif faiblement contrasté, sur un papier « dur ». Lorsqu'il ne connaît pas le contraste du négatif ni celui de son image projetée, le choix de la gradation du papier n'est pas évident pour l'opérateur débutant. Pareillement à la détermination de l'exposition, la sélection de la gradation peut s'effectuer sur une série d'essais.

La figure 6 – illustrant la relation gradation / sensibilité du papier – nous montre des tirages d'un même négatif réalisés sur différentes gradations de papier. L'opérateur isole ainsi facilement la gradation lui donnant des ombres et des hautes lumières détaillées et de valeurs extrêmes (3). Ses goûts personnels influent aussi énormément ce choix. Progressivement, avec l'expérience acquise, il se dispensera de cette série d'essais ; un simple coup d'œil sur l'image projetée du négatif suffira pour arrêter le choix de la gradation. Cette sélection constitue donc habituellement pour le tireur, la principale préoccupation en matière de contraste.

 
 
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1. Notons que certains fabricants de papiers photographiques (Kodak, Ilford) mettent également à la disposition des photographes du papier à gradation variable (ou papier multigrade). Avec ce type de papier, le tireur obtient la gradation souhaitée grâce à un filtrage chromatique judicieux lors du tirage.
2. L'opérateur peut déterminer lui-même les sensibilités relatives des divers papiers à l'aide d'une gamme de gris. Il suffit de juger le décalage entre les différents sensitogrammes – ceux-ci ayant été exposés identiquement – et de tenir compte de la progression de la gamme. Une progression de 0,15 correspond à une demi-division de l'échelle des diaphragmes et 0,30 à une division.
3. Lorsque le tireur ne possède qu'une seule gradation de papier pour le tirage de négatifs sensiblement hétérogènes du point de vue contraste, notons que celui-ci peut tirer profit d'une possibilité non inintéressante consistant à utiliser un révélateur spécial pour le développement du papier. Certains révélateurs ont en effet la faculté de modifier légèrement la gradation. Citons à titre d'exemple, le révélateur Centrabrom (Tetenal) qui « adoucit » la gradation du papier et permet ainsi de tirer des négatifs plus contrastés qu'avec le même papier développé dans un révélateur normal.
 
 
Copyright © Claude Bouchot